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Créolitude en terres-source

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Cahier d’un retour en terres-source

Dépassement de la Négritude dans l’espace des cultures croisées en Amérique antillaise francophone, la créolitude n’en prolonge pas moins, et d’une manière quasi permanente, le combat identitaire. La créolitude comme état d’être (linguistiquement, culturellement), créole, a la vertu de fédérer la source identitaire nègre et l’acquis culturel de la francitude ensemencé dans l’espace antillais par la dictature de l’histoire. Dépassement parce qu’à la fois reconnaissance de la « source » et, surtout, reconnaissance de « l’embouchure » : ce qui se jette dans la mer n’est pas seulement ce que la Source a offert.
C’est sûrement ce que Jonas Daniel Rano veut dire lorsqu’il affirme « qu’en regard de la Négritude, choisir la créolitude est une perspective explicite, non pas seulement parce que la Négritude et la Créolitude sont l’une à côté de l’autre, mais parce que l’une et l’autre nous paraissent synthétiser deux voies qui, sans s’opposer, se complètent, aussi bien quant à la définition ontologique du sujet que quant aux spécificités qui déterminent épistémologyquement la possibilité de saisir les enjeux d’une création nouvelle ».
La Créolitude est, me semble-t-il, l’aval qui reconnait son amont et non l’amont qui se fait aval. Et la terminologie d’Afro-créole vient à point pour traduire cette vision nouvelle. Et c’est cette quête de ressourcement amorcée par Césaire : Cahier d’un retour au pays natal que Jonas Daniel Rano vient de réaliser. Mais l’Afrique de Césaire n’est plus un pays natal pour ses arrières arrières petits enfants mais plutôt une (des) « terre(s)-source ». Et à peine moins d’une année après la mort de Césaire, le destin a voulu que ce fût le créateur de la créolitude qui réussisse un véritable « retour en terre-source ». Et quelle source ? La République Démocratique du Congo, pour y vivre une « (véritable) saison » culturelle, à l’occasion de l’hommage que les hommes de culture ont rendu à l’un des monuments scientifiques du Congo : Georges Ngal. 
Ainsi donc Jonas D. Rano se retrouvait ex abrupto parmi ses frères-source. Il leur a parlé, les a salués, non pas dans l’historique Quartier latin de Paris, ni dans la librairie de Présence Africaine, ni celle de l’Harmattan, mais au pays de Lumumba. Quel destin ? Il fallait le voir Rano, parmi les étudiants qui n’en finissaient pas de lui poser des questions. Une chaleur africaine qu’il a surement rencontrée dans la littérature de la Négritude, mais qu’il dut enfin vivre en vrai, sans forcer du reste, car l’Afrique-source était en lui, l’Afro-créole.
Quel destin, réalisé grâce à un autre homme providence, Moïse Katumbi, le Gouverneur du Katanga. Comme jadis et naguère, c’est un homme politique qui est venu au secours de la culture et de la science, en acceptant de patronner l’hommage à Georges Ngal. Sans se douter un seul instant que ce geste allait permettre la réalisation d’un vieux vœu césairien, le retour d’un afro-créole nommé Jonas Daniel Rano en terre-source. Quel destin ?


Pr Huit Mulongo Kalonda-Ba-Mpeta
Chef de Service de Lettres et Civilisation Congolaises / Université de Lubumbashi/ RDC.